
Les interventions militaires menées au nom de la lutte contre le « terrorisme » par des États tels que les États-Unis, la France et la GrandeBretagne sont souvent conçues et présentées comme des solutions strictement exogènes aux problèmes d’insécurité qu’elles sont censées solutionner. Le terme même d’interventions laisse en outre penser que celles-ci seraient exceptionnelles, ponctuelles et purement réactives plutôt que routinisées, durables et/ou récurrentes. Cette conception des interventions comme solutions permet d’asseoir une interprétation souvent simpliste, anhistorique et localiste des causes de la violence transnationale. Ce faisant, elle jette un voile sur la manière dont l’interventionnisme s’imbrique dans les dynamiques conflictuelles. Cet article, qui s’inscrit dans les approches critiques des interventions internationales et de la « guerre contre le terrorisme », vise justement à saisir cette imbrication. Il montre pourquoi la « guerre contre le terrorisme » ne peut être gagnée au sens classique du terme et comment elle contribue à perpétuer ou même à exacerber des conflits.
Notre argument est que, lors des interventions, la violence est co-produite par les acteurs locaux et internationaux. Autrement dit, les interventions finissent par devenir une composante du problème qu’elles affirment vouloir résoudre. Il ne s’agit pas pour nous de pratiquer l’inversion accusatoire, qui consisterait à affubler les intervenants du mal qu’ils attribuent au terrorisme, ni à produire un contre-discours visant à réfuter point par point les arguments des discours favorables aux interventions. Fondée sur trois études de cas, l’Afghanistan, le Mali et le Tchad, notre analyse s’inscrit plutôt dans une réflexion sociologique critique et distanciée et vise à saisir quelles conséquences concrètes résultent des interventions menées contre le « terrorisme ».